Or : concilier valeur refuge et exigences ESG

Historiquement perçu comme une valeur refuge universelle, l’or reste associé à des problématiques complexes. La présence de mines artisanales et à petite échelle (ASM), souvent situées dans des zones reculées et difficiles à contrôler, pose de sérieux défis. Ces exploitations sont également associées à de graves violations des droits humains: accaparement de terres, travail forcé et recours au travail des enfants.

Sur le plan environnemental, l’orpaillage artisanal utilise massivement le mercure, substance hautement toxique. Dans la région de Madre de Dios, en Amazonie péruvienne, l’exploitation illégale a contaminé les rivières et exposé des populations entières à des taux de mercure largement supérieurs aux seuils identifiés comme dangereux par l’Organisation mondiale de la santé. Selon le World Gold Council, l’ensemble de l’industrie aurifère est responsable d’environ 0,4% des émissions mondiales annuelles de CO2 dont 99% sont liés aux phases d’extraction. Ces impacts viennent s’ajouter à la vulnérabilité des sites miniers face aux risques climatiques, comme les sécheresses ou les inondations.

Ces constats alimentent une interrogation majeure: comment concilier l’attrait financier de l’or avec les exigences croissantes de durabilité ?

Une part importante de la réponse se joue en Suisse. Le pays occupe une place unique dans le commerce mondial de l’or: environ deux tiers de l’or extrait à l’échelle mondiale y est raffiné avant d’être réintroduit sur les marchés. Quatre des plus grandes raffineries mondiales se trouvent sur sol helvétique, et elles sont membres de la London Bullion Market Association (LBMA), qui fixe des standards internationaux de qualité et de traçabilité. Cette position confère à la Suisse une responsabilité particulière dans la mise en œuvre et la diffusion de normes responsables, mais également une opportunité de leadership dans l’innovation.

La traçabilité constitue sans doute l’enjeu central. Une fois raffiné, l’or perd toute indication sur son origine. Il devient alors impossible de distinguer un métal issu d’une exploitation respectueuse des droits humains d’un métal provenant d’activités illégales. C’est pour répondre à ce défi qu’ont émergé des solutions innovantes.

Parmi elles figure le passeport géoforensique, développé par l’Université de Lausanne en partenariat avec Metalor et cofinancé par Innosuisse. En analysant la composition chimique du métal, cette technologie permet d’authentifier de manière scientifique l’origine géographique de l’or. Elle offre ainsi une garantie objective et limite les risques de mélange frauduleux.

Au-delà des innovations scientifiques, la mise en place de chaînes d’approvisionnement ségréguées constitue une autre avancée majeure. En isolant physiquement l’or provenant de sources responsables tout au long du processus, depuis la mine jusqu’au lingot, les raffineries et distributeurs peuvent garantir l’intégrité des flux. Cette ségrégation, bien qu’entraînant un coût logistique et opérationnel, apporte une réponse concrète au défi de la traçabilité.